-Tu y as été un peu fort avec notre peuple, Enroël! Il n'y a pas le ton mesuré dont tu fais preuve habituellement.

-Certes mais j'étais très en colère! Et j'avoue ne pas avoir lu toutes les informations dont je disposais avant d'écrire. Mais bon, c'était assez général et plutôt vrai quand même. Non?

-Et quelles informations as-tu maintenant?

- J'ai lu que les pillards ont endommagé une soixante dizaine de pièces et qu'ils ont emporté une douzaine de trésor! Je suis furieux. Mais j'ai lu aussi que des manifestants avaient entouré le Musée pour en protéger le contenu et prévenir d'autres pillages.

-Tu as toujours aussi mauvaise opinion des habitants de notre terre, alors?

-Franchement, je suis sûr qu'il y a des gens formidables mais je suis septique sur leur intégrité. Je souhaiterais que nous retrouvions notre rayonnement, cependant il faut bien reconnaître que depuis deux mille ans notre Egypte n'est plus la lumière du Monde. Et savoir que nos trésors légués à la pitoyable Humanité sont convoitées par des intérêts particulièrement minables...

-Je vois. Tu n'arrives pas à accepter que des personnes ont d'autres aspirations que les tiennes. 

-Non Horus, tu ne comprends pas? Comment une espèce qui se réclame comme la plus réussie et la plus intelligente des formes vivantes sur cette planète puisse être aussi irresponsable!

-Tu mélanges un peu tout là. Je te parle de notre peuple.

- Et alors? Ils sont pareils aux autres! Pire, ils vous ont connus et vous leur avez inspiré une grande civilisation. Il en reste quoi? Même pas le respect de l'animal!

-Nous en reparlerons quand tu seras plus disposé. Que les humains ne soient pas aussi sensibles que nous à la grandeur et à la beauté du monde qui les entoure semble te contrarier plus que je ne l'imaginais.

-Quelle misère...

- Bonsoir Enroël, te voici d'humeur maussade.
- C'est que je ne suis pas enclin à la joie ces derniers temps!
- Je te vois en meilleure forme cependant, c'est plaisant.
- Oui, je sais. Mais voilà, sans plus...

- Tu as visité bien des sépultures cette année! 
- C'est que j'avais à le faire. Je noue beaucoup de relations avec les vivants en ce moment mais seuls les morts peuvent accéder à certaines de mes prières. Je suppose que tu comprends ce que je veux dire Anubis?
- Tu le sais, le royaume des morts t'est interdit. Enfin, pour l'instant...
- Comment ça, pour l'instant?
- Oublie. De toute façon tu n'obtiendras pas l'aide que tu attends.
- Quoi? Mais alors...
- Alors? Tu as quand même fait ce qu'il faillait que tu fasses! Tes visites ne sont pas vaines, les morts ont appréciés et en retour apportent des réponses pour toi, seulement pour toi.
- Des réponses?
- Oui.
- Alors là, je vois pas. Quelles étaient les questions?
- Celles que tu ne veux pas te poser. Celles qui sont au plus profond de ton âme et qui t'empêchent d'avancer.
- Elles n'ont rien à voir avec mon histoire actuelle, n'est-ce pas?
- Disons que cette histoire a permis à ce qu'elles soient posées. 
- Et... Quel qu'en soit l'issue ces réponses sont en moi?
- Tu commences à comprendre...

-Je savais que je te trouverais là, au coeur de cette pyramide que tu as choisi. Encore perdu dans tes sombres pensées?
-Oui, je me remémore ce qui c'est passé, ce que je n'ai pas fait, ce que je n'ai pas dit...
-De qui te caches-tu? de moi? Je peux m'assoire?
-Bien sûr divine Hathor. Non, je ne me cache pas mais je t'en veux un peu.
-Pourquoi? Tu penses que j'ai quelque chose à voir avec ton malheur?!
-Bein, ça m'en a tout l'air en tout cas. Pourquoi lui faire croiser la route de l'autre, alors que nous commencions à peine à nous fréquenter!
-Qui te dit que c'est moi?
(je la regarde, elle comprend que je ne suis pas dupe)

-Bon, d'accord, il y a un peu de moi dans cette affaire. J'ai peut être un peu trop éveiller ses sens! Il est passé, il l'a senti et... Mais comme te l'a dit Isis, nous n'influençons pas les esprits, c'est à vous de voir comment va évoluer votre histoire.
-C'est mort alors! Je n'ai pas compris et pas réagi assez vite.
-Quel certitude as tu! Voyons, tu sais très bien que cela ne sert à rien de se mortifier. Tu auras beau retourner les évènements dans tous les sens, ce qui est fait ne peut être défait, mais tout évolut. Il te faut avancer.
-Quel est mon erreur?
-Crois-tu vraiment que tu pouvais l'empêcher? Et si tu le crois, cela t'aurais été vraiment bénéfique?
(je la regarde d'un air interrogateur)
-Mieux est que cela soit avant que vous ne soyez ensembles... Non?
-Que me chantes-tu?
-Je ne fais que suivre ta pensée... Tu te perds en conjectures stériles. Laisse moi faire, tu pourrais être surpris de ce qui t'attends...
-Tu m'intrigues. Qu'as-tu en tête?
(elle sourit)
-Je ne peux te laisser malheureux mon bel oiseau de feu, tu le sais bien. Mais pour le moment tu dois redevenir celui que j'ai reconstruit en mon temple. Je sais que tu ne t'en rappelles pas. Je sais tes interrogations. Vide ton esprit de toutes ces questions futiles. Je vais devoir te laisser à présent. (elle me pose les lèvres sur le front, me caressant le visage).
-Hathor! Dis moi! Qu'est-ce que...
-Vas au fond de toi-même. Il temps d'éveiller le cadeau que je t'ai fait.
-Mais... 
 

Alors que les flots battent la côte,
au pied des falaises, sur la grêve,
deux divinités s'entendent...

L'une négocie une vie à sauvegarder,
L'autre un territoire pour ses enfants.

Aucun autre dieu ne doit savoir
quel est le sens de leur entente,
quelle est l'étendue de leur conivence...

De tous ils se méfient,
mais d'aucun ne se cache.

Qui aurait pu le croire?
Ces deux là seraient alliés?
Ensembles? 

"Vois-tu comment les dieux sont indignes de confiance, mon garçon?
Ils te promettent monts et merveilles, mais ils te trompent finalement! Les puissants ne servent que leur intérêts et ne favorisent que leurs esclaves les plus dévoués... Tant que ceux-ci les servent!
Tu doit forger ton propre destin!
Sans rien espérer de leur part...
Ni aide, ni reconnaissance.
Prépares toi à subir mille épreuves et tourments.
La souffrance est le prix de ton indépendance ..."